A l’heure où la communauté internationale s’écharpe sur le sort des baleines, le Gabon, petit pays d’Afrique centrale, se pose en fervent défenseur des cétacés qui rejoignent ses côtes par milliers durant l’été, à la saison des amours.
Lorsque la Commission baleinière internationale (CBI), réunie jeudi en Slovénie, a rejeté la création d’un sanctuaire dans l’Atlantique sud, seul deux pays africains ont voté en faveur de cette initiative sud-américaine : l’Afrique du Sud et le Gabon, pays côtier qui accueille l’une des premières populations de baleines à bosse du continent africain.
« Le Gabon a une position un peu contraire à pas mal de ses voisins qui se sont alignés sur le Japon, le premier promoteur de la chasse à la baleine », explique le conseiller spécial du président Ali Bongo Ondimba, le scientifique américain Michael Fay.
Et de s’interroger : « Pourquoi le Niger et le Mali par exemple attachent-ils une si grande importance à cette chasse alors que ce sont des pays continentaux ? Il y a décidément beaucoup de politique autour de la baleine... ».
« Si nous ne protégeons pas les baleines en Antarctique nous ne les verrons plus », avertit le scientifique à la tête du programme « Gabon bleu », visant à préserver les fonds marins et les ressources halieutiques grâce à la création d’aires protégées.
De plus en plus nombreuses
Chaque année, plusieurs milliers de baleines remontent l’Atlantique au début de l’hiver austral pour venir s’accoupler dans le golfe de Guinée. Certains cétacés continuent plus haut vers les côtes camerounaises, nigérianes et ghanéennes, mais la majorité reste dans les eaux chaudes du Gabon, à cheval sur l’équateur.
Commence alors le long ballet amoureux des baleines, qui va durer trois à quatre mois. On peut les observer s’ébattre sans crainte des harpons et évoluer autour des rares bateaux venant à leur rencontre.
« Elles viennent de plus en plus nombreuses chaque année », se réjouissent les ONG impliquées dans la conservation des fonds marins, même s’il reste difficile d’établir des données précises. Leur augmentation s’explique notamment par le moratoire international qui a interdit la chasse dite commerciale dès 1982, favorisant leur reproduction, selon les spécialistes.
Au Gabon, les baleine ont fait l’objet d’une chasse effrénée au 19e siècle, et jusque dans les années 50 : « à l’époque, des centaines et des centaines ont été tuées par les flottes étrangères », mais les pêcheurs locaux se sont très peu intéressés aux baleines, étant donné l’abondance des ressources halieutiques dans l’océan, les lagunes et les rivières, souligne Michael Fay.
Aujourd’hui, le pays - dont l’exploitation pétrolière est la principale source de revenus - mise sur l’observation touristique des mammifères marins comme le font déjà l’Afrique du Sud,les Etats-Unis ou la Nouvelle-Zélande.
Les perspectives sont bonnes : selon une étude de la CBI en 2010, cette activité pourrait potentiellement rapporter 3 milliards USD/an et créer 24.000 emplois dans le monde.
Potentiel touristique
Si le tourisme au Gabon reste embryonnaire, faute notamment d’infrastructures hôtelières adaptées et à causes des tarifs prohibitifs des billets d’avions, le potentiel y est exceptionnel grâce à la richesse de la faune.
Les baies de la Pointe Denis, à 20 minutes en bateau de la capitale Libreville, en offrent un aperçu : les plages où viennent pondre les tortues luth en hiver, lorsque les baleines sont reparties vers le sud, bordent une forêt équatoriale où vivent éléphants, singes et buffles.
Pour protéger les écosystèmes côtiers, les autorités ont déjà intégré 130.000 ha de territoire marin aux parcs nationaux qui longent les 800 km de littoral, et devraient encore augmenter cette proportion.
Reste toutefois une menace de taille dans les fonds marins. Les pollutions sonores générées par les études sismiques et les forages offshores des compagnies pétrolières peuvent perturber la migration des baleines et les désorienter.
Plusieurs d’entre elles se sont ainsi échouées sur les plages gabonaises ces dernières années. Il y a dix jours, une baleine de 16 mètres de long pesant 30 tonnes a été retrouvée sur une plage de la capitale économique, Port-Gentil (sud-ouest), où elle a fini par mourir déshydratée malgré les efforts des dizaines de volontaires pour l’arroser pendant plusieurs heures en attendant la marée haute.
Source : RTL.be
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