Scandale d’Etat

Pozzo di Borgo, des questions et encore des questions

Pozzo di Borgo, des questions et encore des questions
La devanture de l’hôtel luxueux parisien en rénovation depuis son acquisition en 2010 © 2018 D.R./Info241

Le docteur en droit, Augustin Emane, revient pour Info241 sur le scandale juridico-financier de l’hôtel particulier parisien, Pozzo di Borgo, acquis en grandes trombes par Ali Bongo avec les deniers publics. A y regarder de près, cette acquisition pose plutôt question en raison du montage brumeux dont seul Maixent Accrombessi et Ali Bongo ont le secret. Le tout, sous le silence de la justice gabonaise prétendument dite indépendante. Analyse.

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En mai 2010, le gouvernement avait annoncé l’acquisition par l’Etat gabonais d’un immeuble à Paris. 8 ans après qu’en est-il exactement ? Il semble que cet immeuble n’appartienne pas vraiment au Gabon. Par un curieux montage juridique inexplicable, l’immeuble se retrouve être la propriété d’une société civile immobilière dans laquelle l’Etat gabonais est associé.

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C’est comme si l’Etat avait acheté un bien, et l’avait ensuite apporté dans le capital d’une entreprise dont il est associé. Pourquoi un tel choix ? Concrètement à l’heure actuelle, l’Etat gabonais n’a pas le pouvoir de vendre ce bien vu qu’il appartient à la SCI. Outre le financement de l’achat, c’est encore l’argent public qui couvre les dépenses liées à cet immeuble. On peut alors s’interroger sur la pertinence de cette opération et surtout sur sa finalité.

Les "résistants" gabonais avaient investi l’hôtel parisien le mois dernier

L’occupation de l’immeuble des 49/51 Rue de l’Université à Paris le 13 janvier 2018 par des compatriotes et ses suites ont apporté un éclairage nouveau sur ce bien qui faisait déjà l’objet de nombreuses interrogations.

Pour rappel, c’est le 19 mai 2010 qu’un communiqué du gouvernement gabonais annonce : « l’acquisition en toute transparence d’un immeuble situé rue de l’Université dans le 7ème arrondissement de Paris, destiné à l’ambassade du Gabon en France. Cet achat est intervenu alors que l’actuelle ambassade du Gabon à Paris connaissait d’importants travaux de réfection de longue durée. Il s’agit là d’un placement immobilier pour la République gabonaise, qui s’inscrit dans la lignée de l’action du Président Ali Bongo Ondimba pour une meilleure gestion des finances publiques. L’acquisition de cet immeuble permettra en outre de réduire les frais d’hébergement des officiels gabonais en mission en France ».

La visite de l’ambassadeur du Gabon sur les lieux, le mois dernier

Or, le 14 janvier 2018, dans un communiqué de l’ambassadeur du Gabon en France, on apprend que celui-ci, et c’est ce qui attire l’attention, « a effectué ce dimanche 14 janvier 2018, sous la conduite de Monsieur Georges Michel Rocoffort de Vivivière, responsable de la SCI, une visite de l’hôtel particulier Pozzo di Borgo (…)  ». A la fin du communiqué, il est indiqué que « cet hôtel particulier acquis en 2010 par l’Etat gabonais, qui en est par conséquent le propriétaire, a vocation à abriter en partie, certains services de la Mission diplomatique, dont le Bureau économique ».

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Dans la même déclaration, il est fait état d’une SCI dont le responsable conduit ès-qualité la visite de l’ambassadeur, mais également la propriété de l’Etat gabonais, ce qui ne peut manquer de surprendre. Que vient chercher une SCI dans une affaire d’acquisition immobilière engageant l’Etat gabonais, telle est la question que l’on peut légitimement se poser ?

Pour comprendre la perplexité qui peut naître devant les déclarations de l’ambassadeur, il faut rappeler ce qu’est une SCI en droit français, vu que l’immeuble qui nous intéresse se trouve sur le territoire français, et que c’est la législation de ce pays qui s’applique en conséquence. Une SCI ou société civile immobilière est un contrat de société par lequel plusieurs personnes (les associés) décident d’acquérir et de mettre en commun un ou plusieurs biens immobiliers afin d’en partager les bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourrait en résulter, tout en s’engageant à contribuer aux pertes.

Ce point est particulièrement important pour comprendre les enjeux de cette discussion. Pour Maurice Cozian, « Les sociétés civiles immobilières exercent une véritable fascination chez certains contribuables dès qu’ils possèdent le moindre lopin de terre ou le moindre logement. Certes, elles ne manquent pas de charmes et, utilisées avec tact, elles peuvent se révéler d’excellents instruments de gestion patrimoniale. Elles ne constituent pas pour autant la pierre philosophale qui permettrait de régler comme par enchantement les problèmes d’imposition des revenus ou des plus-values, d’impôt sur la fortune ou de droits de succession qui assaillent les propriétaires fonciers » (M.Cozian, « Du bon usage des sociétés civiles immobilières », D. 1994, p. 199).

Une vue intérieure des lieux

La perplexité s’accroit en découvrant les images prises par les compatriotes le 13 janvier pendant l’occupation, et diffusées par la suite sur les réseaux sociaux. C’est sur ces images qu’on lit que le bénéficiaire du permis de construire est la SCI Val and Co dont le nom n’était jamais apparu jusque-là.

Il faut reconnaître que l’histoire du Pozzo di Borgo a fini par avoir depuis 2010 des allures de mystère et cette SCI pouvait en être un de plus. Tout commence au lendemain de son acquisition par le Gabon, annoncée dans les termes enthousiastes rapportés plus haut. Très rapidement, des nuages viennent embrumer ce bel horizon. C’est d’abord le Canard Enchaîné qui dans sa livraison du 26 mai 2010 insiste sur le coût colossal de la transaction (100 millions d’euros) : « (…) Notons au chapitre de l’économie de chambres d’hôtels que cette somme représente environ 1.500.000 nuits à l’hôtel Ibis de la Tour Eiffel, Wi-Fi gratuit, petit déjeuner offert, ou encore 220.000 nuits à l’hôtel Crillon, ils en ont de la chance les diplomates gabonais, ils vont pouvoir faire des économies en venant en mission à Paris pendant environ mille ans (…) ».

Renaud Lecadre dans le quotidien Libération du 28 juillet 2011 va encore plus loin : « Ainsi, le gouvernement gabonais annonçait en mai 2010 l’acquisition d’un hôtel particulier à Paris, rue de l’Université. Un bien public, donc, au nom du peuple gabonais. Les policiers français ont pisté les différentes SCI (sociétés civiles immobilières) propriétaires de ce bien prestigieux : toutes renvoient à un gérant, Maixent Accrombessi, et à son adresse, palais présidentiel de Libreville, où il officie comme directeur de cabinet d’Ali Bongo ». Mais devant la dénonciation vigoureuse de Lin-Joël Ndembet, dans un éditorial intitulé « Fantasmes sur le Gabon » (L’Union du 1er août 2011), l’on était enclin à croire une fois de plus à une cabale contre le Gabon.

Pourtant, le doute était de nouveau instillé dans les esprits par le blog Gabon énervant le 10 août 2011 qui titre : « Pourquoi la transaction d’acquisition de l’hôtel particulier Pozzo Di Borgo pose problème ? Explications ». Ce site met en ligne les statuts d’une SCI des Numéros 49 et 51, rue de l’université dont le gérant est M. Maixent Accrombessi. L’année suivante, le journal L’Express du 21 mai 2012 revenait sur «  Les mystères de la résidence Pozzo Di Borgo ». Ceux qui voulaient savoir pouvaient donc savoir. Puis, de temps à autre, il était question de cet immeuble parfois associé aux biens mal acquis, ou faisant l’objet d’interrogations récurrentes sur l’avancée des travaux dont il faisait l’objet. En septembre 2015, l’immeuble apparu encore dans les médias, lorsque l’on apprit qu’il faisait l’objet d’une saisie conservatoire obtenue du Tribunal de grande instance de Paris par l’avocat de l’homme d’affaires italien Guido Santullo.

Nous reviendrons sur trois points essentiels qui concentrent toutes les interrogations. Le premier est l’opportunité de cette acquisition qui a déjà été largement abordée dans la presse, mais que le communiqué de l’ambassadeur remet au goût du jour. Il y a ensuite la procédure suivie pour acquérir ce bien qui ne manque pas d’interpeller le citoyen. Enfin, et c’est cela le point crucial peut-être : quid de la finalité de cette opération au vu des montages juridiques sollicités.

I. De l’opportunité de l’acquisition

Sur ce point, il faut le reconnaître lorsque l’acquisition de l’immeuble fut annoncée, nombreux étaient ceux, dans le contexte de l’époque, et forts des explications fournies par les autorités gabonaises qui se réjouirent de cette opération. Comment s’opposer à cette volonté de l’Etat gabonais de vouloir réduire ses dépenses tout en créant les conditions d’un meilleur accueil de ses hauts fonctionnaires en mission et de ses diplomates en poste à Paris ? Huit ans plus tard, dans son communiqué l’ambassadeur n’évoque plus ces raisons initiales.

Il est désormais question d’un immeuble destiné à abriter « certains services de la Mission diplomatique, dont le Bureau Economique ». Quid de l’affectation de 2010 ? Qu’en est-il de ces services qui nécessitent les 5487 mètres carrés du Pozzo di Borgo ? Si la question de l’opportunité peut paraître insoluble, il en va tout autrement de la procédure qui révèle des pratiques pour le moins troublantes.

II. La procédure

Dans le communiqué du 19 mai 2010, il est fait état de l’acquisition d’un immeuble par l’Etat gabonais. Cette formulation apparemment anodine emporte néanmoins des conséquences juridiques. L’Etat n’est pas un sujet de droit comme un autre. S’il acquiert un bien, cela signifie clairement que les Finances publiques sont engagées. Or, pour qu’une dépense de l’Etat soit engagée, il faut qu’elle soit autorisée par le Parlement. Pourtant, dans le communiqué de l’ambassadeur le 14 janvier, il est mentionné non seulement la propriété de l’Etat, mais également des travaux qui sont certainement financés par l’Etat.

Dans le budget de l’Etat, on doit pouvoir retrouver cette dépense. De même puisqu’il s’agit d’une propriété de l’Etat, ce bien doit être inscrit dans son patrimoine. Il y a bien une direction du patrimoine qui recense les biens de l’Etat, l’immeuble des 49 et 51, rue de l’université doit y figurer en bonne place. Ce sont des questions auxquelles les autorités concernées pourraient aisément répondre.

Mais, il n’est pas certain que ce soit une tâche si aisée au vu des documents mis en ligne par le site Gabon énervant, et de bien d’autres encore que chacun peut se procurer au greffe du Tribunal de Commerce de Paris.

Il se trouve en effet que le 21 avril 2010 à Paris, soit près d’un mois avant le communiqué du gouvernement gabonais, les statuts de la SCI des Numéros 49 et 51, rue de l’université sont modifiés. L’article 7 desdits statuts indique que le capital social de la SCI est fixé à 914.700 € divisés en 6000 parts, soit 600.003.867 F CFA.

La répartition du capital de la SCI des Numéros 49 et 51

Mais, plus intéressant, dans le même article il est écrit que « l’Etat de la République Gabonaise est représenté par le Chef de l’Etat Gabonais Monsieur le Président Ali Bongo Ondimba ». En toute logique, on peut se demander pourquoi un Chef de l’Etat se retrouverait à représenter l’Etat gabonais dans les statuts d’une SCI dont l’objet est clairement exposé dans l’article 3 des statuts :
«  La société a pour objet en France et dans tous pays :

  • la propriété, la mise en valeur, l’administration, l’exploitation par bail ou autrement, la mise à disposition gratuite au profit des associés et leurs descendants de l’immeuble sis 49 et 51 rue de l’Université à Paris appartenant à la société civile et de tous ceux dont elle pourrait devenir propriétaire par la suite ; l’édification et l’exécution de tous travaux ;
  • l’acquisition et la gestion, pour son propre compte exclusivement, de toutes participations, minoritaires ou majoritaires, de toutes valeurs mobilières ou autres droits sociaux dans les entreprises françaises ou étrangères de toute nature ;
  • et d’une manière générale, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher à son objet ou contribuant à sa réalisation, pourvu que celles-ci n’aient pas pour effet d’altérer son caractère civil ».

Cette opération cache-t-elle d’autres ambitions ?

Comme si cela ne suffisait pas, grâce aux images prises au Pozzo di Borgo, sur l’affichage des travaux, un nouvel acteur apparaît comme le bénéficiaire des travaux du chantier. Son nom dont il n’avait pas été question jusque-là : SCI Val and Co.

Le permis de construire modifié du Pozzo di Borgo

Les statuts de cette SCI ont eux -aussi été modifiés le 21 avril 2010. Leur article 7 dispose ce qui suit :

La répartition du capital de la SCI Val and Co

L’article 2 des statuts de la SCI Val and Co dispose :
« La société a pour objet en France et dans tous pays :

  • La propriété, l’acquisition et la gestion, pour son propre compte exclusivement, de toutes valeurs mobilières et autres droits sociaux lui appartenant dans toutes sociétés et entreprises françaises ou étrangères, commerciales, industrielles, financières ou civiles,
  • La propriété et la gestion, pour son compte, de tous immeubles ou droits immobiliers lui appartenant,
  • et plus généralement, toutes les opérations se rapportant à cet objet ou contribuant à sa réalisation, pourvu que celles-ci n’aient pas pour effet d’altérer son caractère civil ».

Le Gabon se retrouve donc engagé dans deux SCI portant sur le même immeuble qui a été annoncé comme avoir été acquis depuis 2010 par la République gabonaise, et dont le nom n’apparaît nulle part.

Dans sa rédaction au moment des faits, la Constitution prévoyait en son article 27 que : « Les actes du Président de la République autres que ceux visés aux articles 15 ( alinéa 1), 17 (alinéas 1 à 7), 18,19,23,89,98 et 116, doivent être contresignés par le Premier Ministre et les Membres du Gouvernement chargés de leur exécution  ». Vu qu’il ne s’agit nullement des exceptions expressément prévues par la loi fondamentale, cet acte du Président de la République aurait donc dû respecter la règle posée par l’article 27 précitée. Dans le cas contraire, on serait en présence d’une catégorie d’actes sui generis dont on peut s’interroger sur le fondement juridique. S’agissant d’un acte engageant les finances publiques une telle interprétation ne manquerait pas de surprendre.

Pour le commun des mortels, tout ceci peut paraître abstrait et incompréhensible. Cela n’est pas faux, tant le flou semble entourer ce savant montage. Si on s’en tient au communiqué de mai 2010, le Gabon a acquis cet immeuble. Or, de par l’existence des statuts précédemment mentionnés, le Gabon est-il propriétaire de cet immeuble ? Rien n’est moins sûr ! Ce dont on a la certitude, c’est que l’Etat détient des parts sociales d’une SCI qui est, elle, propriétaire de ce bien. L’Etat détient des parts sociales d’une SCI qui elle, est propriétaire de ce bien. Pour s’en convaincre, il faut savoir qu’à l’heure actuelle, le ministère des Finances ou le Parlement gabonais ne serait pas en mesure de décider de la vente de ce bien parce qu’il ne lui appartient pas tout simplement !

L’état d’endettement délivré par le greffe du tribunal de commerce de Paris le 16 janvier 2018 apporte une confirmation supplémentaire en ce sens. Au 15 janvier de cette année, un nantissement des parts sociales était inscrit au profit d’une société nommée Kontinental Conseil Ingénierie. Le nantissement est une garantie qui est donnée par le débiteur à un créancier et qui concerne des biens meubles incorporels et non des biens immeubles. Dans le cas présent, le nantissement est assis sur la SCI des 49 et 51, rue de l’université et ses 6000 parts sociales. Si le Gabon avait été propriétaire de l’immeuble, c’est à une garantie immobilière que l’on aurait dû recourir et non un simple nantissement.

A la lumière de ces différents éléments qui peuvent être difficiles à cerner pour le non-juriste, on peut se demander justement pourquoi avoir voulu faire si compliqué ?

III. L’objet et la finalité de ce montage

La création d’une SCI est un excellent outil permettant de faciliter la constitution et la gestion d’un patrimoine immobilier et d’en préparer la transmission. Dans ces deux arguments, on n’en trouve aucun pouvant justifier l’achat direct de parts sociales d’une SCI par l’Etat Gabonais.

Dans le communiqué de 2010, et dans celui de 2018, il est expliqué que ce sont des services relevant de la souveraineté de l’Etat qui vont occuper cet immeuble. Quid du souci de gérer un patrimoine immobilier. L’argument de la facilitation de la transmission ne mérite même pas de développements tellement il apparaît inopérant s’agissant d’un Etat. De plus, les immeubles appartenant à l’Etat gabonais et qui sont affectés à une mission diplomatique bénéficient de l’insaisissabilité. C’est ce que la Cour de cassation française a encore rappelé dans un arrêt du 28 septembre 2011. La seule possibilité de perdre ce privilège c’est justement de l’utiliser pour une activité privée, ce qui est le cas ici, l’immeuble étant la propriété d’une SCI dont l’Etat gabonais n’est qu’associé.

Pourquoi s’être alors engagé dans une telle voie, celle-ci étant particulièrement tortueuse ?

Le 21 avril 2010, les statuts de la SCI des 49 et 51, rue de l’université sont modifiés avec l’entrée dans le capital social de l’Etat gabonais qui acquiert comme signalé plus haut 6000 parts. Cette SCI a vu le jour le 4 juillet 1969 avec une date d’expiration fixée au 3 juillet 2019. Ce sont des membres de la famille Pozzo di Borgo qui en étaient les associés. La SCI des 49 et 51, rue de l’université devient associé dans la SCI Val and Co qui est constituée le 21 décembre 1994 pour une durée de 99 ans. Les objets des deux SCI sont quasiment les mêmes ainsi que leurs associés.

Le capital social que l’Etat gabonais acquiert le 21 dans la modification des statuts de la SCI des 49 et 51, rue de l’université est de 914.700 €, et c’est ce capital qui est divisé en 6000 parts. Toutefois, une fois cette modification faite, les statuts de la SCI Val and Co le sont aussi avec un élément qui attire l’attention. L’article des statuts mentionne que le capital de cette dernière est fixé à la somme de 1.956.260,55 € divisés en 12.832.228 parts. La SCI des 49 et 51 rue de l’université se retrouve désormais à détenir 11.523.400 parts et l’Etat gabonais 1.308.828.

Dans le procès-verbal de l’Assemblée générale extraordinaire de la SCI Val and CO du 21 avril 2010, une résolution actant la cession des parts sociales est prise. Elle révèle que l’associé unique de la SCI des 49 et 51 rue de l’Université à savoir l’Etat gabonais, et cette même SCI détiennent désormais l’intégralité du capital de la SCI Val and Co. Dans la deuxième résolution de la même Assemblée Générale désigne Maixent Accrombessi comme gérant.

La résolution portant Maixent Accrombessi à la tête de l’édifice public gabonais

Qui est donc cet associé unique si ce n’est l’Etat gabonais ? Et qui représente alors l’Etat gabonais dans les assemblées générales de ces SCI ? Jusqu’à présent aucune réponse n’a jamais été apportée à cette question.

L’on est donc en présence d’un bien qui relève du patrimoine public et qui se retrouve géré par deux SCI ayant le même gérant pour des raisons que l’on ignore. Dans le flou qui entoure cette opération la présentation le 14 janvier de M. Georges Michel Roccofort comme responsable de la SCI rajoute à la confusion. A la date du 15 janvier 2018 les extraits Kbis de chacune des SCI mentionnent toujours Monsieur Accrombessi Maixent comme gérant des deux sociétés. La SCI a le grand avantage il faut le signaler d’organiser une gérance à vie, voire héréditaire, de même qu’elle autorise les associés à utiliser la trésorerie sans encourir les foudres du délit d’abus de bien sociaux comme c’est le cas dans une société anonyme.

Plus intrigant ce sont les statuts de la SCI Val and Co qui ne manquent pas d’inquiéter s’agissant d’un bien public. L’article 13 dispose sur le retrait d’un associé. Nous le reproduisons ci-dessous in extenso.

Les conditions de retrait d’un associé chez SCI Val and Co

Cette disposition peut s’avérer être une véritable bombe à retardement sachant que la SCI des 49 et 51 rue de l’Université s’éteint en principe en 2019, la SCI Val and Co continuera elle à exister et à détenir le même bien puisque si on s’en tient à l’alinéa 2 de l’article 13, celui ne pourrait revenir à la première SCI cité qu’à la dissolution de la seconde qui interviendra en décembre 2093.

Pour comprendre ce qui s’est passé le 21 avril, il convient de lire une fois de plus Maurice Cozian. « Il faut poser le postulat suivant : une fois apporté à une société, l’immeuble est condamné à y rester. Sauf accident, on ne cédera pas l’immeuble à l’avenir ; encore moins, on ne dissoudra la société ; l’immeuble devient une sorte de bien de mainmorte, inaliénable comme les biens qui appartenaient autrefois à des communautés religieuses ou à des hospices. Il est entendu qu’à l’avenir on ne jouera plus avec les immeubles, on jouera avec les parts sociales dont elles sont la représentation juridique. D’où le conseil suivant qu’il convient de respecter : il faut créer autant de sociétés que d’immeubles afin de favoriser le mécanisme des transmissions  ».

Du coup, la question qui revient avec insistance et qu’il faut bien poser est : à qui veut-on transmettre cet immeuble acheté avec de l’argent public ayant contribué à endetter le contribuable gabonais ?

Par Augustin Emane, docteur en Droit

@info241.com
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