Entretien

Bruno Ella : « Au peuple gabonais : le pire des combats perdus, c’est celui que l’on ne mène pas jusqu’au bout »

Bruno Ella : « Au peuple gabonais : le pire des combats perdus, c’est celui que l’on ne mène pas jusqu’au bout »
L’enseignant chercheur Bruno Ella-Nguema, Président de la CDG allié de Jean Ping © 2017 D.R./Info241

Les violations des libertés publiques et des droits fondamentaux se sont accentuées depuis la réélection contestée d’Ali Bongo à la présidence gabonaise. C’est en réponse à cette crise au paroxysme de l’état de droit que le Pr Bruno Ella-Nguema, président de la Convention de la diaspora gabonaise (CDG), soutien invertébré de la Coalition Pour la Nouvelle République s’exprime dans un entretien exclusif accordé à Info241 sur des arrestations et emprisonnements jugés arbitraires dont sont victimes les membres de la société civile libre et l’opposition pro-Jean Ping. Qui signalons-le revendique toujours sa victoire à la présidentielle du 27 août 2016. Le médecin chercheur qui milite pour la résistance diasporique du Gabon en France a rappelé au « peuple gabonais et à tous les leaders politiques que le pire des combats perdus c’est celui que l’on ne mène pas jusqu’au bout »

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Les violations des libertés publiques, les abus du pouvoir, les actes anticonstitutionnels perpétués depuis 1967 par le système Bongo-PDG et qui se sont accentués depuis 2009, sous la présidence contestée d’Ali Bongo sont devenus la marque de fabrique d’un régime qui veut s’éterniser ad vitam aeternam au sommet de l’Etat. Face à cette situation, les citoyens gabonais sont les premières victimes. Devant ce constat accablant, la crise post-électorale continue de semer ses germes d’une paralysie généralisée suite à un déni de démocratie flagrant.

Le régime tyrannique de Libreville a semble doute trouvé une parade machiavélique pour s’imposer à la présidence gabonaise avec l’aide précieuse des forces armées aux ordres et la justice politisée en semant un climat de terreur avec des arrestations arbitraires et des emprisonnements en cascade. C’est en réponse à cette oppression dictatoriale qu’Info241 a lancé une série d’entretiens et d’interviews qui scrutent tous ces actes illégaux et anticonstitutionnels afin que les droits de l’homme et du citoyen ne soient pas seulement une vue de l’esprit au Gabon. Nous ouvrons cette action par devoir de mémoire Républicain en donnant la parole à la diaspora gabonaise de France et d’Europe, symbole de résistance et de résilience contre la dictature du régime despotique gabonais ayant pour figure éponyme Ali Bongo, le tristement célèbre fils adoptif du dictateur Omar Bongo Ondimba.

Info241. Vous êtes un membre éminent de la Coalition pour la NR et Président de la CDG en France et engagé Pour la restauration de l’état de droit, de la vérité des urnes des Présidentielles du 27 août 2016 au Gabon, quelle lecture faites-vous de la situation sur les libertés publiques (Liberté de manifestation) au Gabon ?

Bruno Ella  : Il est important de distinguer liberté publiques et droits de l’homme. La distinction est importante car on a trop souvent tendance à les confondre. Les droits de l’homme sont des prérogatives inaliénables et universels fondées sur la raison et non sur des particularismes dont les individus sont titulaires. Les états et les institutions, comme les personnes sont tenus de les respecter. Les libertés publiques sont quant-a-elles définies par les textes légaux et engagent l’intervention de l’Etat qui garantit leur existence.

Nous constatons systématiquement au Gabon que le Ministre de l’Intérieur réprime dans le sang chaque manifestation de l’opposition en invoquant l’obligation pour les organisateurs de demander des autorisations au lieu de faire des déclarations".

L’Etat garantit donc leur respect par tous, et a le devoir de sanctionner leur inobservance. Le législateur peut donc promouvoir les droits de l’homme en les matérialisant en libertés publiques. La liberté de manifester en tant que liberté fondamentale doit donc être garantie par l’Etat. D’ailleurs, les lois n°48/60 du 8 juillet 1960 et le décret n°0192/PR/MISPID portant attribution et organisation du ministre de l’intérieur la consacre puisqu’ils prévoient une simple déclaration aux services compétents qui ont ensuite la liberté en le motivant d’interdire la manifestation.

Or, nous constatons systématiquement au Gabon que le Ministre de l’Intérieur réprime dans le sang chaque manifestation de l’opposition en invoquant l’obligation pour les organisateurs de demander des autorisations au lieu de faire des déclarations. Si on prend également en compte le non respect des délais de réponse des autorités, on peut conclure que les gouvernements gabonais violent les libertés publiques en permanence.

Info241. Quelle analyse faites-vous des violations des droits de l’homme et du citoyen en terre gabonaise ?

Bruno Ella : La violation des droits de l’homme et du citoyen au Gabon est institutionnalisée. Mon point de vue n’est pas celui d’un spécialiste digne de ce nom en droit, toutefois si on considère l’intégration de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans le corpus de constitutionalité rattaché à la constitution gabonaise, on pourrait déduire que l’Etat gabonais s’inscrivait dans le respect de ces droits.

La violation des droits de l’homme et du citoyen au Gabon est institutionnalisée".

Mais il va sans dire que la réalité sur le terrain est tout autre : violences mortelles et systématiques sur les populations, violation des libertés publiques, expropriations, privation des libertés sans procès digne de loi, organisation de scrutins irrespectueux du choix souverain du peuple…c’est d’ailleurs pour ces motifs que l’Union Européenne (UE) planche sur le cas du Gabon en abondant dans le sens de la CPI.

Info241. Sommes-nous face à une dictature ? Quels sont les violations des droits posées par le régime d’Ali Bongo qui le démontrent explicitement ?

Le Gabon est la vitrine de ces dictatures africaines. Il n’est pas lieu de lister ici toutes les exactions prouvant ces violations des droits, néanmoins les massacres au QG du Président élu Jean Ping après une fraude mondialement décriée « .

Bruno Ella : Le moindre doute devant les crimes du régime dictatorial du Gabon est un déni odieux. Devrions-nous définir que la constitution est la règle suprême que le peuple d’un pays se donne pour conférer un statut à son état ? C’est donc un outil inviolable dans un Etat digne. Ce qui se passe au Gabon est généralisé dans plusieurs pays en Afrique où sévissent les dictatures. Dans ce triste continent qui aurait pu être heureux, les élections présidentielles se gagnent en confisquant les institutions, les partenaires économiques (officiels et officines…) au gré des caprices des dirigeants, et rajouté à cela la pression corruptrice sur les populations souvent en situation de précarité.

Le Gabon est la vitrine de ces dictatures africaines. Il n’est pas lieu de lister ici toutes les exactions prouvant ces violations des droits, néanmoins les massacres au QG du Président élu Jean Ping après une fraude mondialement décriée – les arrestations et les maintiens en détention d’opposants politiques et activistes pacifiques - les assassinats d’étudiants - le musèlement des médias tels que Echos du nord systématiquement - l’interdiction arbitraire de quitter le territoire pour les leaders de l’opposition - l’insécurité des populations par la présence permanente d’hommes armés dans les rues, bref. L’atmosphère qui sévit au Gabon est propre à un régime dictatorial, inhumain et irrespectueux de tout. Oui le peuple gabonais est en danger.

Info241. Selon vous, si le Peuple Gabonais est en danger quel message envoyez-vous à la communauté internationale et aux organismes et instances juridiques garant de l’état de droit ?

Bruno Ella : La communauté internationale s’est déjà saisie du dossier Gabon. La question des violations des droits de l’homme est toujours en examen à l‘UE qui, tel que le souhaite toute la communauté gabonaise, prendra des résolutions contre les exactions du pouvoir gabonais. Nous souhaitons que les choses aillent plus vite dans l’intérêt du peuple gabonais meurtri.

Le temps de la justice internationale peut être malgré tout très long sans que ce temps ne compromette la justice rendue ».

La CPI a également ouvert une enquête préliminaire après une requête sur les crimes contre l’humanité commis lors des événements post-électoraux de 2016 par cette même dictature. La CPI est une institution qui saura faire respecter le droit international afin de dire le droit et de poursuivre les différents commanditaires et exécutants de ces massacres. Le temps de la justice internationale peut être malgré tout très long sans que ce temps ne compromette la justice rendue.

Info241. Face à cette situation de crise sociale et politique quel message envoyez-vous au Peuple Gabonais ?

Les gabonais doivent donc s’approprier l’appel du Président élu et se lever pour mettre fin à la forfaiture de trop".

Le moment électoral est un exercice déterminant pour évaluer la démocratie et l’état de droit dans un pays. Ce que le peuple gabonais a subi une fois de plus le 27 août 2016 doit attiser plus que jamais son désir de justice. Sa réplique doit être proportionnelle au préjudice subi depuis le 27 août 2016 face à ce régime. Les gabonais doivent donc s’approprier l’appel du Président élu et se lever pour mettre fin à la forfaiture de trop.

Sa diaspora doit aussi s’investir pour faire aboutir ce combat. Devant le danger que représente ce régime, il y a un devoir de cohésion entre les gabonais lucides, une nécessité de capitaliser toutes les intelligences et les toutes les forces pour amener les populations à se soulever sans répit jusqu’à la chute définitive de ce régime.

Info241. Votre message à l’endroit du peuple gabonais

Je rappelle au peuple gabonais et à tous les leaders politiques que le pire des combats perdus c’est celui que l’on ne mène pas jusqu’au bout. L’histoire des sociétés et des états nous montre que l’anarchie et l’insurrection sont de facto le corolaire du pouvoir absolu et de la dictature, et que très souvent si le terrain est suffisamment fertile d’injustice, de méchanceté, de violences telles que nous le constatons au Gabon, la population est souvent prête dans ces cas à suivre une révolution initiée de quelque manière qu’elle serait…. Mais à condition qu’aucune ambigüité ne vienne semer le doute dans l’esprit des populations qui n’attendent qu’à se libérer.

Je rappelle au peuple gabonais et à tous les leaders politiques que le pire des combats perdus c’est celui que l’on ne mène pas jusqu’au bout « .

Je veux évoquer la semaine dure que nous venons de vivre en communion avec la mémoire de nos martyrs en disant que ce qui s’est passé le 31 août 2016 à Libreville au Gabon pourrait faire jurisprudence dans toutes les élections non seulement au Gabon, en Afrique, mais dans d’autres pays dans le monde où les dictatures sévissent. Pour ce qui est du Gabon en particulier, toutes les intelligences de ce pays devraient réfléchir sur un projet de loi qui s’inscrirait dans la constitution conformément au respect de la vie des citoyens, elle-même conforme aux droits humains.

Je terminerai en disant que si le peuple gabonais souffre à vouloir se relever, il doit être capable de sacrifice de son corps pour la protection au moins de son âme, car l’âme pourra traverser les générations pour prêcher la valeur morale de sa lutte ».

Il s’agirait donc d’obtenir des gages pour protéger les vies des citoyens dans leurs droits. Ce projet de loi porterait sur le fait que toute violence mortelle ou physique exercée par les forces de l’ordre public ou milices contre les populations civiles qui manifestent pour leurs droits fondamentaux, avant - pendant - après les élections, ferait automatiquement annuler les résultats prononcés par la cour constitutionnelle elle-même.

Cette loi fondamentale aurait comme avantage entre autres - celui de préserver la vie des citoyens gabonais libres et innocents qui manifestent ; et celui de contraindre aussi bien le candidat en exercice, que les autres candidats, à protéger réciproquement les populations qui revendiquent légitimement le respect de leur choix sur celui qui doit conduire leur pays. Je terminerai en disant que si le peuple gabonais souffre à vouloir se relever, il doit être capable de sacrifice de son corps pour la protection au moins de son âme, car l’âme pourra traverser les générations pour prêcher la valeur morale de sa lutte.

Je vous remercie.

Bruno Ella-Nguéma, Professeur des Universités à l’Université de Bordeaux

Propos recueillis par Rostano Mombo Nziengui.

@info241.com
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