Crise post-électorale

Nguia Banda : « Participer au dialogue d’Ali Bongo, c’est marcher sur les citoyens morts pour la démocratie »

Nguia Banda : « Participer au dialogue d’Ali Bongo, c’est marcher sur les citoyens morts pour la démocratie »
Alfred Nguia Banda lors d’un point de presse de son parti à Libreville © 2017 D.R./Info241

Le dialogue politique d’Ali Bongo continue à être décrié vertement par des personnalités politiques et pas des moindres. En effet, dans un entretien exclusif accordé ce vendredi à Info241, Alfred Nguia Banda, ancien cadre démissionnaire du PDG, fondateur du Rassemblement républicain et socialiste, exilé à Paris s’exprime sur la crise post-électorale. Il fustige ce qu’il qualifie de ’’hold-up électoral" du régime Bongo-PDG, tout en affirmant l’importance de la résistance en s’opposant au dialogue organisé par le Palais du bord de mer, pour selon lui rétablir le suffrage universel du peuple gabonais qui a élu Jean Ping à la tête de la République gabonaise.

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Suite à son intervention publique lors de la traditionnelle marche de la résistance gabonaise, Alfred Nguia Banda qui affirmé à Info241 être momentanément exilé en France suite au fait que le régime d’Ali Bongo veut intenter à sa vie, est revenu sur les idées qu’il défend aujourd’hui dans la résistance de la diaspora gabonaise en France. Selon l’ancien cadre démissionnaire du PDG, faisant écho à son intervention publique lors de ce rendez-vous parisien des résistants gabonais de France : « Loin de rentrer dans des explications étymologiques et historiques du mot diaspora, je dirai simplement que ce mot est régi par des principes qui constituent sa substance ».

La résistance et le rôle de la diaspora en question

En effet, a expliqué M. Nguia Banda : « La résistance, c’est d’abord la cohésion, la solidarité et l’harmonie entre les résistants. Si les résistants ne s’entendent pas sur l’essentiel, la résistance ne peut être efficace et porteuse d’espoir, voire d’espérance. La résistance, c’est la transcendance des petits clivages ethnolinguistiques qui ont longtemps causé du tort à notre pays et un véritable obstacle à la constitution d’un État Nation. La résistance, c’est défendre l’amour hypertrophique que nous portons à notre pays qui est dans un état apocalyptique et cliniquement sous assistance respiratoire. La résistance, c’est transcender les égos surdimensionnés, les querelles de leadership et les positionnements personnels. Quand le destin du pays est en danger, nous devons être unis au-delà des ambitions légitimes des uns et des autres. La résistance c’est le refus de l’arbitraire, de l’injustice, de la médiocrité, du népotisme et de la corruption des consciences ».

Alfred Nguia Banda s’adressant à la diaspora gabonaise d’Europe

Enfin a-t-il martelé, «  la résistance, c’est la patience, c’est-à-dire ne pas se résigner devant les premiers obstacles rencontrés. Car le combat politique est un combat de longue haleine, de longue durée, d’où d’ailleurs la notion de résistance. C’est pourquoi Jean PING, Président élu, ne cesse de dire « Nous irons jusqu’au bout ». Quelles que soient les tempêtes, quels que soient les vents la résistance doit être toujours debout. Elle sera toujours debout. C’est ce que l’écrivain et philosophe Sénèque disait « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il veut aller » .

Pour l’ancien directeur général du Conseil Gabonais des Chargeurs, « Outre les principes, la résistance doit obéir à certaines stratégies : une remobilisation de tous les résistants et le maintien des marches pacifiques jusqu’à ce que le bulletin de vote du peuple gabonais soit respecté et que le président élu prenne officiellement ses fonctions. Ce ne serait que justice. Le rejet de toute compromission avec un pouvoir illégitime et les assassins des gabonais. La politique menée en ce moment au Gabon par Ali Bongo étant le chapitre le plus infâme et le plus triste de notre histoire, il ne peut y avoir même une petite place pour un compromis d’opportunité ».

C’est pourquoi a indiqué l’ancien secrétaire général du Fonds National pour l’Habitat « la diaspora refuse toute participation au dialogue convoqué par Ali Bongo Ondimba. Participer à ce dialogue c’est légitimer un coup d’état politico-électoral. C’est marcher sur les cadavres des centaines de jeunes gabonais morts pour la défense de la démocratie. C’est être insensible au naufrage de notre pays. A cette infime minorité qui va à ce dialogue pour des raisons mercantiles, je dirai que l’opportunisme politique conduit à la compromission morale ».

Moi-même, va-t-il préciser « J’ai été victime d’une tentative d’assassinat par les sbires du pouvoir illégitime. J’ai eu une double fracture de la cheville droite, ma villa a été détruite, les voitures caillassées avec des grenades. Toute honte bue les assassins de la DGR ont tout volé jusqu’à mes trois chiots. J’ai quitté clandestinement le Gabon pour le Cameroun avec une cheville bousillée où j’ai pris un vol pour Paris.
Comment aller au dialogue quand les grands défenseurs de la démocratie, de la liberté comme Bertrand Zibi Abeghe, Landry Amiang Washington sont torturés en prison depuis sept mois sans jugement ?
 ? »

Son opinion sur les législatives

Interrogé sur la question qui divise l’opposition gabonaise, celle liée à la participation ou non de l’opposition gabonaise aux élections législatives sous le magister d’Ali Bongo, Alfred Nguia Banda a affirmé : « Concernant la problématique des élections législatives, même si les partis politiques composant la galaxie Jean PING ne se sont pas encore officiellement prononcés, il serait judicieux que les figures emblématiques de la diaspora, que j’invite très humblement et patriotiquement, se retrouvent dans des délais raisonnables pour préparer une grande rencontre ».

Au cours de celle-ci, a-t-il insisté «  Tous les résistants, y compris les représentants de diverses diasporas locales, se prononceront démocratiquement pour ou contre la participation de l’opposition. Les déclarations individuelles intempestives et sans concertation préalables n’engagent guère toute la diaspora ».

Aux autorités françaises

Alfred Nguia Banda au Trocadéro à Paris lors de la marche de la résistance gabonaise

« Le bon sens qui gouverne et guide la diaspora gabonaise m’impose à vous présenter tous nos remerciements pour les autorisations hebdomadaires que vous nous accordez : pour revendiquer, par le truchement de marches pacifiques, la brillante victoire du candidat Jean Ping à l’élection présidentielle du 27 aout 2016 et pour condamner avec la plus grande énergie les massacres perpétrés au quartier général du candidat Jean Ping le 31 aout 2016 », a déclaré Alfred Nguia Banda.

Sur ce point, a-t-il relevé « Le rapport annuel du Conseil des Droits de l’Homme dit clairement « il existe des allégations faisant état de graves violations des Droits de l’Homme au Gabon à la suite de l’élection présidentielle de l’an dernier, et notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, de la torture et des arrestations arbitraires suscitant de graves préoccupations » ; et l’Union Européenne de préciser « qu’aucune enquête n’a été réalisée pour établir la vérité et faire en sorte que les responsables de ces actes soient traduits en justice, malgré les appels lancés par la Commission africaine des Droits de l’Homme et des peuples et l’examen préliminaire de la CPI  ».
 »
S’adressant autorités françaises, le membre de la coalition des partis de l’opposition autour de Jean Ping s’est interrogé : « Peut-on penser que la défense des intérêts économiques et géostratégiques du Nord est incompatible avec l’évolution de la démocratie au Sud ? A cette question je répondrai par cette déclaration du Président François Hollande le 29 novembre 2014 à Dakar au Sénégal ’’Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la liberté est bafouée, là où l’alternance est empêchée, j’affirme ici que les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie’’ ».

Tout en scandant : « Oui Monsieur le Président, le peuple gabonais est en phase avec cette très belle et réconfortante déclaration. Mais le peuple gabonais attend depuis sept mois ce soutien. Il n’y a aucune incompatibilité entre la défense des intérêts économiques et géostratégiques du Nord et l’évolution de la démocratie au Sud. Au contraire, une collaboration intelligente assurerait la sécurisation des investisseurs, la liberté d’entreprendre dans un climat sociopolitique sain et attractif ».

Selon Nguia Banda : « S’appuyer sur les dictatures pour prétendre préserver ou sauvegarder les intérêts économiques et géostratégiques constitue désormais un chemin sans issue ou une aventure sans lendemain pour plusieurs raisons : 95% de la population gabonaise dont 75% de jeunes vit en dessous du seuil de pauvreté. Pauvreté qui devient pathologique. Ces jeunes vivant dans le désespoir deviennent malléables, manipulables par les extrémistes de tous poils surtout avec la montée des courants islamistes ».

Pour les jeunes en fin d’études, a-t-il fait remarquer «  il est désormais hors de question de rentrer au pays où sévissent non seulement la dictature, l’absence de liberté, la crise de la parole mais aussi le manque d’emplois. Rester en France devient donc la seule solution. Pour les jeunes victimes de la dictature, du chômage, la seule solution c’est d’aller en France. A l’émigration économique, s’ajoute désormais l’émigration politique. Les gabonais, autrefois fiers de rester chez eux, subissent désormais le double poids d’une pauvreté dans un pays extrêmement riche malgré une faible population d’une part, et d’une dictature jamais vécue dans un pays naguère considéré comme havre de paix d’autre part ».

La jeunesse gabonaise, à l’instar de la jeunesse africaine francophone est selon l’ancien directeur général de la Société gabonaise d’entreposage de produits pétroliers (SGEPP), « au contact du monde extérieur, grâce à la révolution du numérique, n’accepte plus l’inacceptable dans les pays d’expression française par rapport aux pays anglophones où la démocratie est effective. Gouverner c’est prévoir, c’est agir par anticipation pour éviter des situations incontrôlables. La crise politique au Gabon, née du hold-up électoral et de la mal gouvernance devrait constituer, pour vous, une grande opportunité d’affirmer votre attachement à la démocratie, au respect du choix du peuple gabonais, au respect des Droits de l’Homme et de l’état de droit ».

« Le peuple gabonais attend, mais toute attente a toujours des limites. A vous de joindre vos paroles à l’action ».

Il a martelé tout combatif : « Infatigables combattants ! Le Gabon notre pays vit des moments les plus tragiques de son histoire. Eu égard au climat politique apocalyptique, aux grèves multisectorielles, expressions d’une gouvernance cataclysmique, d’une morale crépusculaire et d’une posture internationale abracadabrantesque et décrédibilisée. Pour sortir de ce bourbier, nous devons davantage nous unir, nous rassembler au-delà de nos positionnements et de nos ambitions personnels. Le Gabon est plus grand que la somme de nos ambitions, fussent-elles légitimes ».

Alfred Nguia Banda a conclu cet entretien par un appel au peuple gabonais et à sa diaspora à continuer avec détermination le combat pour une alternance démocratique et pacifique au Gabon : « A vous mes frères et sœurs de la diaspora, la résistance est devenue une référence et un modèle pour les autres pays africains, par conséquent nous devons continuer vaillamment notre combat pour la liberté, pour la démocratie et la restitution de la victoire de Jean Ping. Ce combat sera mené jusqu’au bout. Vive la diaspora gabonaise. Vive la résistance. Que Dieu bénisse le Gabon Je vous remercie ».

Propos recueillis par Rostano Mombo

@info241.com
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