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Présidentielle au Congo Brazzaville : Alain Mabanckou interpelle François Hollande

Présidentielle au Congo Brazzaville : Alain Mabanckou interpelle François Hollande
Présidentielle au Congo Brazzaville : Alain Mabanckou interpelle François Hollande © 2016 D.R./Info241

L’écrivain franco-Congolais Alain Mabanckou qui a prononcé hier une leçon au Collège de France de Paris sur les abolitions de l’esclavage en France métropolitaine a pris une fois de plus sa plume pour dénoncer le hold-up électoral de Denis Sassou-N’Guesso au Congo-Brazzaville. Le prix Renaudot 2006 s’est indigné contre le silence complice de la France et de la communauté internationale à travers une lettre ouverte adressée à François Hollande.

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L’écrivain congolais a publié une lettre ouverte pour dénoncer le silence de François Hollande sur la situation au Congo-Brazzaville. Alain Mabanckou n’est pas allé de main morte pour dénoncer le passage en force de Denis Sassou-N’Guesso au Congo-Brazzaville. Il profite de cette tribune pour pointer les affres de la pieuvre Françafricaine et des appétits des intérêts économiques de la France en Afrique francophone faisant le lit à toutes formes de dictatures méprisant les droits de l’hommes, les libertés publiques, les valeurs républicaines.

A la question de savoir l’embarras du Président Hollande sur la situation au Congo-Brazzaville, Alain Mabanckou fait remarquer que, "C’est une responsabilité à laquelle il ne s’attendait pas. C’était de l’ordre de l’imprévisible : allant étrangement à l’encontre de ses propres déclarations sur une France qui mettrait fin aux bidouillages des constitutions par certains dirigeants africains afin de se maintenir au pouvoir. Le président Hollande a, hélas, publiquement entériné le changement arbitraire de la Constitution congolaise par Denis Sassou-Nguesso lors d’une conférence de presse avec le président malien".

C’est cette même Constitution, souligne le Professeur au Collège de France "donc indirectement validée par le président français, qui a finalement permis à Sassou-Nguesso de se représenter après trente-deux ans au pouvoir. Même si le chef de l’Etat s’est par la suite dédit, le mal était déjà fait : le Congo avait même "salué la sagesse" de François Hollande ! C’était un feu vert de l’ancien colonisateur. Les dictateurs africains survivent du lait qui sort des mamelles de l’ancienne puissance coloniale. "

Pour le natif de Pointe-Noire, " la France est, parmi ces anciennes puissances coloniales, celle qui a le plus de difficultés à se départir de ce lien affectif avec "ses" dictateurs. Les exemples sont là : le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Togo, le Cameroun, le Tchad et j’en passe… Des intérêts économiques sont en jeu, qui expliquent ce lien avec les régimes antidémocratiques. La grande question est de savoir si la France peut sacrifier ces intérêts pour les idéaux qui ont fait d’elle le pays qu’elle est aujourd’hui et dans lequel on élit le président dans la transparence la plus totale !"

Avant d’affirmer outré que la situation au Congo va de mal en pire. En effet a-t-il expliqué : "Les Congolais se plaignent de vivre désormais dans la peur dans un régime militarisé. On parle des atrocités répétées qui ont lieu dans la région du Pool, mais aussi à Pointe-Noire et dans d’autres contrées du Sud. Beaucoup de jeunes congolais m’écrivent depuis le pays afin de me supplier de continuer à parler pour que leur destin ne soit pas dérobé. Il est salutaire que la question du Congo reste dans l’actualité. L’oublier c’est laisser s’installer ad vitam aeternam un pouvoir né de la fraude. La politique du silence est peut-être le nouveau visage de la Françafrique."

J‘ai comme l’impression qu’en France a martelé Alain Mabanckou, " nous ne sommes plus en présence d’un silence politique mais d’une politique du silence, donc récupérable. Le président Hollande prend par conséquent le risque d’apparaître aux yeux des Congolais – et du continent noir – comme le président qui octroie des bouées de sauvetage aux dictateurs africains francophones alors même que ce sont les peuples asservis qui en ont besoin. C’est un peu comme s’il nous disait : « Silence, on fraude ! ». Que ce soit au sujet du Congo ou d’autres pays africains, la France, ces dernières années, aura fait preuve d’une grande méconnaissance politique du continent noir. La politique du silence est peut-être le nouveau visage de cette Françafrique où il ne faut rien dire pour contenter à la fois le monarque et le peuple dans l’espoir que chacun des deux prennent à son avantage cette absence d’initiative. Comme me disait une amie, nous sommes dans un monde où la neutralité et la prudence sont érigées en vertus et, parler et condamner deviennent des actes de courage. Les mots sont des armes redoutables, ce que comprit très clairement Albert Londres en son temps, lorsqu’il dénonçait haut et fort, dans Terres d’Ebène, les atrocités françaises du chemin de fer Congo-Océan…"

Retrouvez dans les lignes qui suivent l’intégralité de la lettre ouverte qu’Alain Mabanckou a dressée au Président de la République française, François Hollande.

Monsieur le Président,

Les Congolais de l’étranger et ceux qui luttent nuit et jour au pays ont constaté que vous observez un long silence quant à l’issue de l’élection présidentielle truquée qui s’est déroulée en mars dernier au Congo-Brazzaville et qui a injustement porté Denis Sassou-Nguesso au pouvoir. Il exerce un pouvoir sans partage depuis trois décennies avec son clan. La fraude l’aura une fois de plus emporté sur la transparence, et ceci aux yeux des nations prétendument démocratiques comme celle que vous dirigez par la volonté des Français. Le nom de mon pays d’origine est désormais inscrit en rouge sur le tableau noir du déshonneur des républiques bananières, à côté de la Corée du Nord. Pendant ce temps, Sassou-Nguesso et ses hommes de mains multiplient les arrestations arbitraires, allant jusqu’à cerner le domicile de l’opposant Jean-Marie Mokoko sans lui donner la possibilité de se ravitailler.

Faut-il rappeler, Monsieur le Président, que ces tyrans africains ont le plus souvent survécu grâce à la protection de la France, illustrant au passage combien ils ne peuvent vivre et prospérer sans l’assentiment de l’ancienne puissance coloniale ? Ils ressemblent de ce fait à des ogres créés de toutes pièces par la France, et leur ultime couronnement passe par la montée des marches de l’Elysée et la poignée de main dont ils bénéficieraient du président de la République française. Cette dernière image, s’il arrivait qu’elle se concrétise sous votre règne, pourrait être celle qui ternirait irrémédiablement l’ensemble de votre quinquennat et ruinerait par voie de conséquence vos ambitions de solliciter un second mandat auprès du peuple français.

Si Denis Sassou-Nguesso peut se réjouir pour l’heure d’avoir bâillonné le peuple congolais, de l’écraser continuellement selon les caprices de son pouvoir militaire, il demeurera à jamais un putschiste à la fois amer et frustré tant que la France ne lui accordera pas les applaudissements qu’il attend d’elle, dans la solitude d’un pouvoir dérobé au peuple devant une communauté internationale indifférente. Et c’est peut-être là que votre silence pourrait être interprété comme un assentiment : « Quand on refuse on dit non », nous rappelle le grand écrivain Ahmadou Kourouma. Vous n’avez pas dit non. Vous n’avez pas dit oui. Certes, j’aurais pu me réjouir de votre position actuelle, mais je crains qu’avec le temps elle ne se transforme en une validation implicite qui engraisserait les ambitions démesurées de cet autocrate au point de lui donner des habits neufs qui lui permettraient d’asseoir ce qu’il appelle de manière éhontée « la nouvelle république ».

Il vous reste donc, Monsieur le Président, à nous démontrer par une attitude claire et sans ambiguïté que la France n’est pas le sponsor officieux de ces personnages qui se trompent de siècle et de temps, et qui sont la cause directe de la régression du continent africain.

Je suis conscient que la France a des intérêts économiques au Congo-Brazzaville et que ceux-ci orientent forcément la politique africaine française. En même temps cette prééminence des intérêts économiques est le siège de l’hypocrisie qui a jusqu’alors pris en otage les peuples de mon continent. Faut-il enfin rappeler que ces mêmes Africains n’avaient pas hésité à sacrifier leur vie pour que la France soit ce qu’elle est aujourd’hui : un pays où seul le peuple et non un seul homme décide du destin de la Nation ?

Monsieur le Président, nous autres « Noirs de France », quelles que soient nos origines ou nos nationalités, vous regardons. Et, vous le savez, nous sommes nombreux à voter en France et à contribuer à son destin. Il est évident que cette tragédie qui ennuage le Congo-Brazzaville sera dans nos esprits lorsque nous déposerons nos bulletins dans les urnes pour la prochaine élection présidentielle française. Il est encore temps de rendre au peuple congolais sa dignité, de dire clairement, comme les Américains, que la France ne reconnaît pas le pouvoir de Sassou-Nguesso issu d’un putsch électoral et que le gouvernement de façade qui « dirige » aujourd’hui le Congo est aussi illégitime que la mascarade électorale qui a porté son leader au pouvoir.

Alain Mabanckou

@info241.com
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