La dette publique du Gabon passée au crible lors du café économique de Libreville
Mays Mouissi spécialiste de sécurité financière a animé une conférence portant sur la dette publique gabonaise à l’occasion d’un café économique organisé par la société civile libre et le mouvement Altérité241, à la chambre de commerce de Libreville.
Au cours de cet échange l’analyste économique gabonais a dressé un état des lieux de la dette du Gabon, l’évolution de son encours (en valeur et en proportion de son PIB), ainsi que ses perspectives. Que retenir de l’évolution de la dette publique du Gabon ?
Lisez dans les lignes qui suivent l’intégralité de l’analyse faite par l’analyste économique gabonais qui était invité à Libreville pour prendre part à ce café économique. Ce dernier a vu la mobilisation de la société civile gabonaise, des hommes politiques et d’un gotha de journalistes qui ont pris d’assaut la chambre de commerce de Libreville.
Mays Mouissi, l’analyste économique qui était invité à Libreville
L’analyse de l’évolution de la dette publique du Gabon entre 1990 et 2016 permet de constater que durant cette période la dette a évolué suivant 3 phases.
Une première phase entre 1990 et 1999 pendant laquelle la dette du Gabon s’est fortement accrue passant de 888 milliards à 2 443 milliards FCFA, conséquence directe de la dévaluation du FCFA intervenue en 1994 et qui a eu pour effet de doubler la dette gabonaise (entre 1993 et 1994 année de la dévaluation du FCFA, l’encours de la dette est en effet passé de 996 milliards à 2 143 milliards FCFA). Alors qu’elle représentait à peine 20.4% du PIB en 1990, la dette publique du Gabon a représenté 46.7% en 1999.
La seconde phase a couvre la période 2000 – 2008 au cours de laquelle la dette du Gabon a progressivement baissé. Pendant cette période, le Gabon a réduit son rythme d’endettement privilégiant plutôt remboursement progressif de sa dette.
Ainsi en 2008, quelques mois avant son décès, le Président Omar Bongo a procédé au remboursement d’une grande part de la dette du Gabon en procédant au rachat anticipé de 86% de la dette gabonaises détenues par les créanciers du Club de Paris. Avec ce remboursement anticipé, la dette du Gabon avait retrouvé un niveau équivalent à celui qui était le sien avant la dévaluation du FCFA soit 1 181 milliards FCFA.
La troisième phase couvre la période 2009 – 2016. Cette période marque le retour au recours massif à l’endettement. La dette publique qui n’était que de 1 368 milliards en 2009 a augmenté de 144% en 7 ans et représente en 2016 3 343 milliards FCFA.
Alors que le plafond d’endettement national est fixé à 35% du PIB, Mays Mouissi s’est désolé que la dette du Gabon représente désormais plus de 42% de son PIB faisant peser un risque sur les équilibres macro-économiques de la nation.
Rappelant qu’en 1999, lorsque la dette du Gabon était au plus haut, elle représentait 44% du PIB, l’analyste économique a fait remarquer que le niveau d’endettement actuel se rapproche dangereusement du plus haut historique dont les fonctionnaires du ministère du budget gardent encore un triste souvenir.
Quels recours face à l’endettement ?
Pour réduire ou limiter le poids de la dette sur son économie, l’Etat dispose d’un large éventail de solutions. Il peut recourir à l’une des 6 méthodes classiques à savoir : l’accroissement de son PIB en favorisant la mise en œuvre d’un environnement des affaires particulièrement attractif. A niveau d’endettement constant, l’accroissement du PIB réduirait mathématiquement le taux d’endettement du pays qui n’est que le résultat du ratio Dette/PIB.
Puis, la réduction de la dette par l’inflation qui permettrait théoriquement accroître le revenu nominal de l’Etat et donc sa capacité de remboursement. Cependant, cette méthode peut difficilement être mise en œuvre dans l’espace CEMAC puisque la BEAC comme la Banque centrale européenne (BCE) ont pour mission de lutter contre l’inflation.
La réduction de la dette par l’amortissement qui consiste à mettre en œuvre une programmation budgétaire où l’Etat rembourserait plus qu’il n’emprunterait. La limitation des dépenses budgétaires aux ressources propres de l’Etat qui permettrait d’empêcher le montant des dépenses de dépasser le niveau des recettes sur l’ensemble d’un cycle conjoncturel.
Le rééchelonnement qui consiste à repousser dans le temps tout ou partie du règlement des dettes d’un Etat en accord avec ses créanciers. La restructuration de la dette qui revient à définir un cadre normatif dans lequel va s’opérer un échange de titres souverains contre des liquidités ou de nouveaux instruments financiers.
Outre ces mesures, les autorités peuvent engager des réformes structurelles et institutionnelles pour réduire le train de vie de l’Etat en limitant notamment le nombre de ministres à 18, en supprimant le Sénat, en réduisant le nombre de députés, en réduisant le nombre de conseillers économiques et sociaux, en limitant les dépenses liées à la constitution et l’entretien du parc automobile de l’Etat etc. Ces réformes, si elles étaient réalisées permettraient à l’Etat de faire des économies et réduire ses emprunts.
Sur les questions relatives aux ressources de l’Etat, notamment les ressources relatives à l’exploitation pétrolière, au regard des circonstances actuelles, marquées notamment par la baisse considérable du prix du baril de pétrole, la fin de l’embargo sur l’exportation de l’or noir Iranien, l’absence de consensus au sein des pays de l’OPEP et le pétrole en contrebande vendu par Daesh, la remonté du prix du baril est peu probable à court terme. De fait tout laisse à penser que l’Etat gabonais est condamné à s’endetter encore davantage à moins, que les décideurs optent pour la réduction du train de vie de l’Etat.
Suivez quelques extraits du café économique tenu le 26 février 2016 à la Chambre de commerce de Libreville (Gabon) et diffusés par la chaîne de télévision gabonaise TV+ :
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